Edition #7

Le phygital, cet escroc.

Commander un menu au fastfood
Échanger un billet de train
Payer au supermarché
Acheter du pain
Consulter son médecin

La liste est longue et l’automatisation/digitalisation des services est en marche forcée, changeant doucement le paysage français et la manière de consommer. Une évolution non sans conséquences, à prendre en compte dans les discours de marque pour éviter le grand écart entre proximité rêvée et service au rabais.

Car aujourd’hui il faut être connecté pour vivre (et survivre) : depuis l’administratif, la déclaration de revenus, la demande de permis, la CAF, des services les plus essentiels jusqu’à la grande conso, l’expérience se passe de plus en plus sur écran ou sous connexion, quitte à se passer d’une partie de la population par illectronisme.

77% des Français ont beau être (trop) connectés sur leur smartphone, selon l'INSEE, l'illectronisme touche 17% de la population française, c’est-à-dire que 17% de la population est en difficulté ou exclue des usages numériques, aujourd’hui quotidiens. Un chiffre avec des disparités fortes en fonction de l’âge, du niveau d’étude ou des revenus, Ainsi, une personne de plus de 75 ans sur deux n'a pas d'accès à Internet depuis son domicile (53%), alors que seuls 2% des 15-29 ans ne sont pas équipés. C'est également le cas de 34% des personnes peu ou pas diplômés (contre 3% des diplômés du supérieur), et de 16% des ménages les plus modestes (contre 4% des ménages les plus aisés).

Cette fracture d’accès est aussi fracture d’usage avec un modèle qui fait de l’humain, la valeur absolue du service : les plus pauvres devenant sujets des bornes automatiques partout et devant en passer par des formulaires et barrières numériques avant d’avoir le droit à l’humain. A contrario l’humain sert à toutes les initiatives de service exclusifs et devient graal relationnel, mis en avant jusque dans les communications de marque qui n’ont rien d’autre à faire valoir. Mais même dans ce scénario, certaines personnes ne trouveront pas leur bonheur : selon une étude américaine basée sur le service dans les fast food, plus d’1/3 des 18-24 préfèrent commander à la borne pour « éviter » d’avoir à interagir avec quelqu’un, un comportement générationnel plus que territorial que certains qualifient de « crédit social » ou ce qu’il en coûte en énergie et effort à échanger avec les autres.

https://www.youtube.com/watch?v=JcoWVFLU9rM&ab_channel=KyanKhojandi

L’humain n’est donc pas le sujet refuge de la communication « incarnée », une mauvaise nouvelle pour ceux qui y misent tout … alors qu’il y a tant d’autres choses à dire ;)

Autre conséquence de cette automatisation digitale, la désertification commerciale des zones rurales, raison même de l’installation de ces mêmes services automatiques/digitaux… Les campagnes voient fleurir les distributeurs de pain, de pizza, et même d’huitres pour palier à l’absence de commerces, de main d’œuvre disponible, ce qui décuple la rentabilité et créée des effets pervers, cette distribution finissant par devenir bien plus rentable que de tenir un commerce physique ce qui entraîne à nouveau une accélération de la désertification de ces territoires et ainsi de suite, vous voyez ?

L’automatisation digitale est un formidable facilitateur de vie et accélérateur de business mais ses effets négatifs et collatéraux sont à considérer. Alors quand la communication globale des enseignes s’engouffre dans cette dichotomie en communication mettant soit son modèle web en avant soit l’humain au-dessus de tout, on a du mal à y croire.
Aucune marque n’a le monopole de l’humain ou de la technologie, sauf à dire que ces sujets sont une réelle singularité de marque (you wish) le risque est bien de souvent décevoir entre discours et expérience réelle et de ne pas convaincre de votre exception.
Cherchons s’il n’y a pas mieux à dire ensemble !

Sources :
La haine des milléniaux pour les "relations humaines" est une menace majeure pour les travailleurs de la restauration rapide.
Carrefour teste son modèle magasin automatique 
Fracture numérique : l'illectronisme touche 17% de la population selon l'INSEE
Pourquoi les dirigeants mondiaux sont terrifiés par "l'érosion de la cohésion sociale ?

C’est l’angoisse, mais on s’en satisfait, ou l’inverse.

Un clivage générationnel de ressenti s’établit en France.
Les Français sont satisfaits de leur vie, c’est ce que révèle la fondation Jean Jaurès et Ipsos. Avec une note moyenne de 5,9 sur 10 (ce qui est bien mais pas top) mais quand même pas si mal pour un pays d’insatisfaits. La moitié se situe entre 7 et 10, la moitié est donc composée de français très satisfaits de la vie qu’ils mènent. (et pas de) Surprise, plus on est pauvre, moins on est satisfait, plus on est jeune, moins on est satisfait, plus on est citadin, plus on est satisfait…
Un clivage de plus en plus marqué entre génération, aussi quand les vieux riches citadins sont satisfaits…en face les jeunes angoissent :

  • 75 % des jeunes de 16 à 25 ans jugent le futur « effrayant »
  • 56 % estiment que « l’humanité est condamnée »
  • 55 % qu’ils auront moins d’opportunités que leurs parents
  • 52 % que la sécurité de leur famille « sera menacée »

Un moral en berne qui portera probablement à une natalité en baisse : 39 % hésitent à avoir des enfants.
Un manque d’optimisme (30%) propre à une génération et en lien avec leurs sujets de préoccupation.
Les élections ont mis en exergue l’inadéquation des thèmes principaux de discussions des candidats avec les attentes des 16-25 ans. Quand étaient débattus Europe, Immigration et Sécurité, ils attendaient des solutions sur le Pouvoir d’achat, sur l’Environnement (32%) et les Inégalités sociales.
Quand les SUV totalisent 50% des ventes automobiles, en face
59 % des jeunes sondés déclarent être « très » ou « extrêmement inquiets » du changement climatique.
45 % affirment que l’anxiété climatique affecte leur vie quotidienne de manière négative, qu’il s’agisse de dormir, de se nourrir, d’étudier, d’aller à l’école ou de s’amuser. Si vous hésitiez encore à respecter les prérogatives de l’ADEME, réfléchissez-y à 2 fois en considérant cet écart de sentiment dans vos discours, une carte jeune à jouer pour les marques utiles.

Sources :
La perception qu’ont les Français de la vie qu’ils mènent et à leur sentiment de satisfaction.
Présidentielle : quels sujets ont monopolisé les temps de parole des candidats ?

Ne laissons pas le pouvoir au pouvoir d’achat !

Bien entendu l’inflation est au rendez-vous avec la crise ukrainienne et il faudrait être aveugle et sourd aux récits de nos clients, qu’ils soient distributeurs ou industriels, pour ne pas en mesurer les conséquences sur le trafic en magasin et la consommation. Mais il suffirait de retrouver des prix bas pour tout relancer ?

Oui, l’industrialisation, l’hyperspécialisation et la logistique ont permis, dans les pays occidentaux et au plus grand nombre, de consommer plus et sans arrière pensée ou presque pendant des décennies. Oui, nous avons tous adoré que la baisse des prix flatte notre pouvoir d’achat. Et, oui nous avons aimé inventer les prix bas, les petits prix, les prix rabotés, la foire aux prix, les prix cassés, les très bons prix, les prix d’amis…

Mais qui peut penser que des marges de manœuvre sont encore possible pour continuer à consommer « toujours plus, toujours moins cher » alors que la crise énergétique est durable, et que les perturbations climatiques vont mettre à mal nos agricultures ?
Et, pour revenir à nos métiers, quelle marque s’est construite et développée durablement sur un discours uniquement orienté prix ? Leclerc ? Son combat, c’est la défense du consommateur et il ne passe pas uniquement par le prix ou un pseudo bouclier sur la hausse des prix. Les discounters ? Ils sont tous repassés par la case image et service dès que leur seuil de part de marché a été atteint, regardez Lidl.

Bien entendu que nous devons écouter et répondre ensemble à la demande immédiate des foyers les plus en difficultés. Des solutions plus économiques sont toujours possibles et même stimulantes pour nos hémisphères droits : moins de matériaux, moins de kilomètres, plus d’efficacité concentrée…

Mais pour demain ? Que pensent et penserons les plus jeunes générations des marques qui continueront à épuiser la planète et les hommes pour leur proposer des prix toujours plus bas ? Ne serait-il pas temps pour les marques et les distributeurs d’abandonner le consommer plus à prix bas pour proposer un mieux consommer à prix juste ?

Quand on sait que +de 70% des marques pourraient disparaitre dans l’indifférence générale faute d’une utilité réellement perçue par le consommateur, celles qui veulent non seulement survivre mais continuer de croitre et rester profitable doivent changer de posture. A vos briefs chers annonceurs ! Ensemble, redonnons du poids et de la désirabilité à la valeur d’usage. Ne laissons pas le pouvoir au pouvoir d’achat mais donnons du pouvoir à l’achat !

Sources :
Pourquoi la notion de pouvoir d'achat est à manier avec précaution ? 
La croissance française et l'inflation